Le Maroc a élu son nouveau meilleur sommelier (REPORTAGE)
Il fera rayonner le savoir-faire marocain dans le monde.
Par Yasmine Bidar
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Abdelghafour Sadik, sommelier à La Mamounia depuis 2015, élu meilleur sommelier du Maroc.
ART DE VIVRE – Niché le long des contreforts de l’Atlas, le célèbre Château Roslane, premier château vitivinicole AOC au Maroc, a accueilli, lundi 10 septembre, la deuxième édition du Trophée Château Roslane du meilleur sommelier du Maroc, organisée par l’Association des sommeliers du Maroc (ASMA). Neuf jeunes chantres du vin ont pris part à une journée d’épreuves théoriques et techniques pour décrocher ce précieux titre, sous l’oeil aguerri d’un jury très sélect.
Ils sont marocains, exercent dans les plus prestigieux hôtels, palaces et restaurants du royaume, sont autodidactes ou encadrés par de grands sommeliers et sont animés par une passion du vin qu’ils ont renforcée au fil d’expériences et d’opportunités. Parmi eux, des finalistes malheureux de l’édition précédente qui se remettent en selle pour succéder à Zakaria Wahby, premier lauréat du concours et assistant chef sommelier au Royal Mansour à Marrakech. Mais aussi de nouveaux profils, jeunes et fougueux comme Kamil Essbai, sommelier de 24 ans en service au Sofitel Marrakech ou encore Sabrina Rahmani, superviseur du restaurant Iloli à Casablanca, première femme à participer à la compétition.
Vin, vedi, vici
Les candidats, tirés à quatre épingles et en rang d’oignons devant la salle des épreuves, ont tous conscience de la délicate mission que leur confèrera le statut de meilleur sommelier, soit positionner le Maroc parmi l’élite de la sommellerie internationale. Le stress est à son apogée mais pas d’animosité entre les compétiteurs qui s’entraident pour des révisions de dernière minute. Une fois la porte franchie, ils s’attarderont sur plusieurs épreuves écrites, à savoir un questionnaire théorique, une description organoleptique d’un vin rouge et d’un vin blanc et l’identification de trois spiritueux, tout cela en français, langue officielle de la compétition.
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“C’était rude, il y avait beaucoup de questions de culture générale très compliquées mais chacun a ses points forts et ses points faibles. Je préfère la pratique et j’espère faire mes preuves si je suis sélectionné pour la finale” nous confie Rabi Ahsina, sommelier au Fairmont Royal Palm de Marrakech et troisième finaliste de la précédente édition. Mais malgré ses efforts, il n’a pas été sélectionné pour la phase finale aux côtés de Abdelghafour Sadik de La Mamounia, El Mokhtar Alia du Royal Mansour et Kamil Essbai.
“On attend de vous que vous ayez cette classe, que vous représentiez la sommellerie” indique aux trois finalistes avant la très redoutée épreuve pratique Serge Dubs, meilleur sommelier de France, d’Europe et du monde dans les années 80 et membre du jury du Trophée.
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Michèle Chantôme, Serge Dubs et Thierry Collard, membres du jury en pleine correction des épreuves.
De retour dans la salle, ils se succèdent devant le jury et jouent le rôle de chef sommelier d’un restaurant en respectant le protocole inhérent à leur métier. Associations de vins aux mets d’une carte, service d’un vin pétillant, service d’un vin jeune en carafe, analyse de vins et spiritueux… Les finalistes, pleins de prestesse, s’agitent, font valser les liqueurs dans les verres, questionnent leur nez et leur palais et enchaînent des gestes techniques presque chorégraphiques.
Après de longues délibérations (et corrections), le verdict est tombé. C’est Abdelghafour Sadik, numéro deux de l’édition précédente, qui remporte avec succès les épreuves et devient ainsi le meilleur sommelier du Maroc. Le jeune homme a séduit le jury par son élégance naturelle, son odorat très fin et sa connaissance poussée des vins tant marocains qu’étrangers.
FACEBOOK/SOMMELIER DU MAROC
Abdelghafour Sadik, le meilleur sommelier du Maroc 2018 Trophée Château Roslane, entouré par Mr Serge Dubs, meilleur sommelier du monde 1989, parrain et président du jury, Michèle Chantome, présidente de l’association des sommeliers du Maroc et Mikael Rodriguez, chef sommelier de l’hôtel La Mamounia.
“Du point de vue de la religion, il est assez compliqué d’être sommelier ici”
Sommelier à La Mamounia à Marrakech depuis 2015, il découvre ce métier lors de ses services en salle à défaut d’avoir fait une formation en école, puisque le métier n’est pas reconnu ici. “J’ai découvert ma passion pour le vin lorsque j’ai commencé à travailler dans l’hôtellerie mais je ne pensais pas en faire un jour ma profession car c’est un métier qui n’est pas facile, avec beaucoup d’obstacles dont l’apprentissage qui n’est pas favorisé ici au Maroc où il n’existe pas d’écoles qui nous y forment” explique au HuffPost Maroc le lauréat.
“J’ai de la chance toutefois car je travaille à La Mamounia, sous les ordres de mon chef sommelier Mikael Rodriguez qui m’a beaucoup appris et qui était professeur de sommellerie en Europe et en France. Pour ce concours, j’ai appliqué strictement les règles que je suis dans mon métier au quotidien, et je pense que ça a plu au jury. Maintenant, avec ce titre, je dois être prêt pour représenter le Maroc comme il faut à l’international” poursuit-il, déterminé.
Il souligne par ailleurs les interdits religieux et les préjugés autour de ce métier qui rendent la tâche un peu plus ardue. “Du point de vue de la religion, il est assez compliqué d’être sommelier ici, et c’était aussi assez difficile de l’annoncer à ma famille car consommer de l’alcool, c’est déjà très mal vu alors en être un expert…” confie Abdelghafour, qui souhaite que le métier soit mieux compris au royaume et s’attèlera à en faire la promotion.
Faire rayonner le savoir-faire marocain
Une mission que se donne aussi l’ASMA, chapeautée par l’indéboulonnable Michèle Chantôme, figure du vin au Maroc, qui forme régulièrement dans ses locaux et sur le terrain des jeunes au métier de la sommellerie via des ateliers et des rencontres avec des oenologues et des sommeliers de renom.
Créée par en 2012 par ses soins, l’association a permis au royaume de se doter de la première union de sommeliers d’Afrique et d’intégrer l’élite de la sommellerie internationale qui compte pour l’heure une cinquantaine de pays. “Nous sommes ravis de voir que l’objectif de l’ASMA, qui est de faire connaitre le métier de sommelier au Maroc, est respecté. Nous souhaitons encourager davantage de passionnés à prendre part à notre concours, il y a des talents évidents dans ce pays qu’il faut mettre en lumière” nous explique-t-elle.
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Même son de cloche du côté de Mikael Rodriguez, chef sommelier de La Mamounia et mentor du gagnant de cette édition. “Certains candidats, comme Abdelghafour, ont la chance d’évoluer dans des établissements hôteliers où il y a une toute une équipe performante et reconnue de sommeliers qui peut les guider, tandis que d’autres doivent apprendre souvent seuls. C’est pour ça que l’ASMA existe, pour pouvoir permettre à ces jeunes autodidactes de se former auprès de professionnels pour comprendre l’histoire du vin, le service, le stockage, la vinification car leur potentiel est énorme. On essaye de leur apporter un peu de notre savoir et avec ce concours, on forme aussi des maîtres de demain, qui perpétueront l’apprentissage” avance-t-il.
Pour l’heure, son petit protégé est déjà prêt à assumer ses responsabilités de meilleur sommelier du Maroc et se dit déterminé à faire rayonner le savoir-faire marocain dans le monde. L’occasion lui sera d’ailleurs donnée en mars prochain à Anvers, au concours du meilleur sommelier d’Europe auquel il participera avec son prédécesseur Zakaria Wahby.