SOCIÉTÉ
« Baghrirs » et « Briouates », le Maroc n’a jamais eu aussi peu de problèmes, Alhamdoulilah !
Chers lecteurs,
J’espère que vous allez bien et que la reprise n’a pas été trop dure. De mon côté, elle fût rapide, pénible et ô combien douloureuse ! Entre une rentrée scolaire qui m’a particulièrement vidée et une actualité marocaine qui m’a quelque peu irritée, je tiens à vous dire que je suis au summum de la « bonne » humeur. Vous voilà prévenus.
Lundi, alors que l’enfant prodigue de la chanson marocaine se faisait éjecter de la liste des nominés de la compétition All Africa Music Awards suite à son énième présumée implication dans une affaire de viol en France (en attendant que quelques unes de nos radios suivent l’exemple de cette honorable et très logique réaction), nous apprenions sur les pages d’un quotidien arabophone que plusieurs écoles privées de notre royaume enchanté ont augmenté leurs frais d’inscription de 30% et ce, sans justification aucune (cela va de soi). Mais bon ! Il ne faut pas mal le prendre chers lecteurs, tout ceci est bien normal, restons réalistes ! Nous vivons dans un pays qui ne sait toujours pas comment réglementer le schmilblick, que le Tout Puissant lui vienne en aide, et l’éducation nationale est plus occupée à servir des « Baghrirs » et autres « Briouates » sur les manuels scolaires de nos têtes brunes plutôt qu’à trouver une solution pour que ces établissements – qui se goinfrent de la faillite monumentale de l’école publique – cessent de profiter de notre légitime désespoir. Et c’est donc plumés jusqu’à la moelle que nous resterons jusqu’à ce que nos brillantes progénitures volent de leurs propres ailes… ou que la nouvelle loi-cadre de l’enseignement vienne mettre un bon coup de pied dans cette horrible fourmilière. Prions chers lecteurs, prions ! Le bout du tunnel sera bientôt visible !
Mardi, l’affaire des mille-trous et autres douceurs locales citées en darija dans les manuels scolaires prenait une ampleur telle que le ministère de l’Éducation nationale a été contraint de réagir. Ainsi, le département de Saïd Amzazi a expliqué que tout ceci n’était qu’une simple utilisation de « noms propres » et qu’il n’y avait pas de quoi en faire des caisses (en gros, hein). Personnellement, je n’ai pas trop « goûté » à cette manière d’apprentissage, partant du principe que notre dialecte bien-aimé n’a rien à faire dans des cours d’arabe classique… mais chacun son délire. Toutefois, je tiens tout de même à saluer le parti de l’Istiqlal qui a profité de l’occasion pour sauter à la gorge du ministre de l’Education nationale en demandant une réunion urgente pour étudier « la grave situation née de l’introduction de la darija dans les manuels scolaires ». Ils sont même allés jusqu’à qualifier le désormais Baghrir-gate d’attaque contre la nation. Rien que ça ! Que Dieu nous donne leur visage, s’il y a bien une attaque contre la nation c’est bien la situation catastrophique générale de l’éducation nationale et leur populisme démesuré et celui de leurs semblables.
Mercredi, le big boss de Danone jouait les prolongations avec les ex-consommateurs de la marque – très énervés depuis plusieurs mois – en annonçant de nouvelles mesures prises en concertation avec quelques milliers de Marocains. Au programme, du lait en sachet à prix réduit, du lait pasteurisé vendu à prix coûtant et tout ceci en gardant la même qualité. Bon, je ne vous cache pas que je suis assez admirative des efforts de Centrale Danone dans cette tentative de réconciliation avec ses clients, mais reste plutôt sceptique quant à la « qualité » du lait qui ne changera pas. N’étant pas très friande de cette eau saupoudrée de youyous, restons « darija », je conseillerais à la multinationale de fournir plus d’efforts de ce côté-là et de vendre du vrai lait aux Marocains qui en ont en peu ras-le-fez qu’on les prenne pour des idiots même pas utiles. Merci.
Jeudi avait lieu la première audience de l’instruction de l’affaire Khadija, la présumée victime de viols collectifs et de torture. L’histoire de cette adolescente a suscité une telle controverse au Maroc – des « experts » ayant porté des accusations graves à son encontre sous-entendant qu’elle mentait certainement – que l’UNICEF a pété une durite dans un communiqué où elle a invité tout un chacun au silence ! L’hamdoullah. Moi qui avais oublié l’existence de cette organisation onusienne, heureusement qu’elle est là pour rappeler à tous que les enfants ont des droits et que le Maroc ne les respecte pas trop. D’ailleurs, que ceux qui pensaient le contraire se détrompent. Le Maroc serait un très mauvais élève en droits de nos petites têtes brunes et l’UNICEF compte bien en découdre avec le Royaume dans les prochains mois. Nous voilà sauvés chers lecteurs par le gong de l’ONU ! Dieu merci.
Pour clôturer cette revue hebdomadaire, quoi de mieux que de finir sur une note positive ? En fin de semaine dernière nous apprenions, non sans fierté, qu’un Marocain a été élu meilleur médecin de New York en 2018. Diplômé de la faculté de médecine de Casablanca, Karim Touijer de son nom, est aujourd’hui le meilleur urologue de la Grosse Pomme. Une consécration avec un goût quelque peu amer, celui de voir un de nos cerveaux briller… ailleurs.
Allez, je vous salue et vous donne rendez-vous la semaine prochaine !
Majda El Krami