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La semaine vue par Majda

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admin
novembre 9, 2018

Fantasmes collectifs et Maghreb United : Un couscous sans légumes ni merguez

Fantasmes collectifs et Maghreb United : Un couscous sans légumes ni merguez

Source : LesInfos.ma

Chers lecteurs,

J’espère que vous allez bien et que ce froid de canard n’affecte pas votre moral. Moi, je me sens relativement bien même si les matinées finlandaises du Maroc commencent à sérieusement m’agacer. J’en ai un peu ras-les-chaussettes d’ouvrir les yeux en pleine nuit en me demandant ce que j’ai bien pu faire au bon Dieu pour mériter un tel châtiment. D’accord, j’exagère, mais je suis une native des années quatre-vingts et une grande partisane du GMT + rien du tout. Voilà, merci.

Lundi, pendant que notre gouvernement – l’éternel indécis aux mesures rapides et brouillons –  reportait l’entrée en vigueur du nouvel horaire des écoles au 12 novembre au lieu du 7 novembre initialement annoncé (je préfère n’émettre aucun commentaire là-dessus tant il serait prévisible), du côté du canton de Genève un sketch, pas très drôle, se jouait au sein de l’ONU. En effet, les membres de l’organisation internationale procédaient à « l’examen de la situation des droits de l’Homme en Arabie Saoudite » (une phrase dont les paradoxes ne sont plus à souligner, vous en conviendrez) et plusieurs états – parmi lesquels des alliés de la pétromonarchie – ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis d’une Arabie Saoudite qui n’en fait qu’à sa tête. Et la guerre au Yémen figure désormais parmi les principales préoccupations de l’ONU. C’est tristement risible, il aura fallu que les Al Saoud exécutent un journaliste et que l’opinion internationale s’indigne pour que l’ONU daigne ouvrir les dossiers de ce pays dont les dirigeants sont à la fois bêtes et méchants. Et cette fois-ci les millions de dollars que l’Arabie Saoudite envoie au Yémen depuis plusieurs mois pour « sauver l’économie Yéménite » (oui, oui, vous avez bien lu. C’est comme si vous tiriez une balle dans la tête de quelqu’un tout en essayant instantanément de stopper l’hémorragie de vos crasses mains en lui murmurant « ne t’inquiète pas, je vais te sauver la vie ») ne suffisent plus. Aujourd’hui, les états-membres réclament une solution politique au conflit. Point. Quatre ans et plusieurs scandales plus tard, il était temps. Bref, en plus de la guerre au Yémen, l’Arabie Saoudite est sommée – entre autres – de garantir la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits et faire cesser immédiatement les emprisonnements et les arrestations arbitraires, de déclarer un moratoire sur la peine de mort en vue de son abolition, de poursuivre les réformes visant à réduire l’écart de droits entre les femmes et les hommes et d’assurer une prise en compte pleine et entière du droit international humanitaire. Rien que ça. C’est Bandar Al Aiban, représentant de la délégation saoudienne et président de la Commission des droits de l’Homme à l’ONU (sans commentaire), qui a du se marrer. Moi en tout cas, je suis « pliée ». Next.

Mardi, le discours du roi à l’occasion de la Marche verte a été l’événement marquant du jour. Contre toute attente le monarque a décidé de tendre la main à nos voisins algériens en proposant un « dialogue direct et franc » afin de « dépasser les différends conjoncturels qui affectent les relations entre nos deux pays ». Un changement de ton qui a autant étonné ici que chez nos voisins. Mais si de notre côté, on salue « naturellement » cette belle tentative de réchauffement des relations et que nos télévisions parlent désormais de « l’Algérie sœur et voisine », du côté des médias algériens, l’heure est à la méfiance et aux analyses quelque peu paranoïaques. Tout en saluant un changement de ton radical et un discours nouveau, les journaux de nos voisins s’interrogent tout de même sur le choix du timing et les intentions de Rabat. En effet, à un mois de la reprise des négociations avec le Front Polisario sur la question du Sahara, pour nos voisins le gant de velours enveloppant la perche royale cacherait en réalité une main de fer. En tout cas, loin de ce brouhaha quasi-incompréhensible le gouvernement algérien n’a pour le moment pas réagi… Le couscous royal restera donc sans merguez pour le moment. Tant mieux pour notre met favori et tant pis pour les fantasmes nourris par les deux peuples otages de règlements de comptes politiques et de rancunes tenaces.

Mercredi, tandis qu’une vidéo assez déconcertante – montrant une chanteuse de chez nous chantonner l’hymne national de la voix d’un mammifère herbivore que je ne nommerai point – faisait un bad buzz monumental (quelle idée d’interrompre un match de football pour « ça » !), les lycéens de notre pays se soulevaient contre le changement d’heure qui leur a été infligé par le gouvernement (vous savez, l’indécis aux mesures rapides et brouillons, cité plus haut). Accusant le ministère de l’Éducation nationale de leur compliquer (davantage) la vie ainsi que celle de leurs parents, les élèves ont manifesté leur colère. Mais bon, des ados révoltés, le département de Saïd Amzazi n’en a rien à secouer. Le même jour, il a donc diffusé un communiqué expliquant que les mouvements de protestation ne concernaient que quelques « cas isolés » et que les élèves avaient « fini par être dispersés après l’intervention des équipes pédagogiques de la plupart des établissements ». Voilà tout. Tu arrives plusieurs semaines après la rentrée chambouler les horaires des élèves et de leurs parents, ils manifestent, tu minimises, tu disperses et c’est réglé… ou presque.

« Presque » parce que le jeudi, les « cas isolés » de Saïd Amzazi se sont quelque peu généralisés et plusieurs élèves ont tout simplement boycotté leurs cours pour protester contre le maintien de l’heure d’été. De Fès à Meknès en passant par Safi, les classes étaient désespérément vides et les adolescents tenaient des sit-in devant les préfectures et les académies du ministère de l’Éducation nationale. Un comportement qui a laissé le ministre de l’Éducation nationale pour le moins pantois. Dans une déclaration aux médias, le ministre a ainsi déclaré ne pas comprendre la nature des revendications des élèves et que ce changement d’horaire a été décrété par le gouvernement et non pas par sa personne. Ah. Au temps pour eux, ils devraient changer d’endroit de sit-in, les voilà prévenus.

Et aujourd’hui, pour finir sur une note d’espoir et loin de tous ces fantasmes farfelus, un mouvement intitulé « Fik Lberd, Hak Khoud » (littéralement « Tu as froid, tiens, prends ») sera lancé à 16 heures sur le boulevard d’Anfa, à Casablanca. Le but est de suspendre des vêtements sur les branches des arbres pour les mettre à disposition des plus démunis en ces temps hivernaux. Cette initiative citoyenne aura aussi lieu dans plusieurs villes du royaume et de nombreux participants ont d’ores et déjà répondu à l’appel de l’association « Marocains pluriels ». Alors, chers lecteurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire de tous vos vêtements « encombrants » ! De rien.

Allez, je vous laisse et vous donne rendez-vous la semaine prochaine !

 

Par Majda El Krami

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