L’annonce en a surpris plus d’un. L’adoption en conseil de gouvernement, le 29 octobre, du projet de loi n°77-15 portant interdiction de la fabrication, de l’importation, de la commercialisation et de l’utilisation de sacs en matière plastique était en effet loin d’être attendue par les industriels du secteur, voire du grand public. «Nous ne pouvons nous exprimer car nous n’avons pour l’instant aucun texte à notre disposition à commenter», fait savoir un responsable de l’Association des plasturgistes. Du côté du ministère de l’industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique (MCINET), porteur du projet de loi, on est en revanche prêt et optimiste. «C’est un choix courageux que nous allons assumer jusqu’au bout, d’autant plus que ce projet de loi ouvre des passerelles intéressantes vers d’autres départements ministériels tels que l’Artisanat pour la fabrication de sacs en toile ou l’Environnement», nous confie-t-on. Deuxième consommateur (par habitant) de sacs en plastique au monde, derrière les Etats-Unis, avec 26 milliards d’unités produites chaque année et 900 sacs/an/habitant en moyenne, le Royaume a décidé de prendre le taureau par les cornes. «Nous avons fait une étude de faisabilité qui s’est avérée concluante», explique-t-on au ministère.
Il est vrai que l’interdiction pure et simple des sacs en plastique a été décidée dans de nombreuses régions et pays dans le monde, à l’image de l’Italie, de la France (au 1er janvier 2016), de la Californie, d’Hawaï ou de Madagascar. Au Maroc, la lutte contre ce fléau a démarré en 2009 avec la norme NM.11.4.050 qui interdisait le sac en plastique noir, suivie par l’entrée en vigueur le 1er janvier 2011 de la loi 22-10 relative à l’utilisation des sacs et sachets en plastique dégradable ou biodégradable. Déjà, cette dernière interdisait «la fabrication pour le marché local des sacs et sachets en plastique non dégradable ou non biodégradable». Sur le terrain, force est de constater que la loi, si elle a été plutôt largement suivie par les distributeurs structurés, n’a eu aucun effet dans l’informel.
Le ministère de l’industrie et du commerce promet des mesures d’accompagnement aux industriels
C’est justement contre l’informel que le projet de loi entend particulièrement bien lutter. Pour ne pas répéter les manquements commis jusque-là en matière de contrôle, l’ensemble des parties prenantes, à commencer par le ministère de l’intérieur, sera impliqué dans le contrôle sur le terrain. 50 à 60% du volume produit provient en effet d’unités informelles qui «se sont particulièrement bien développées ces 10 dernières années», indique-t-on au ministère. Afin d’accompagner le tissu industriel en place, ce département a promis des mesures d’accompagnement pour la création d’un écosystème de substitution aux sacs en plastique. Plusieurs hypothèses, à commencer par la promotion de la fabrication de sacs en papier, en tissu ou biodégradables, sont envisagées. Les membres de la Fédération des industries forestières, des arts graphiques et d’emballage (FIFAGE) se sont montrés prêts à accompagner cet élan. Un accompagnement à la reconversion dans d’autres domaines de transformation du plastique sera également mis à la disposition des 104 unités formelles opérant actuellement dans la fabrication de sacs en plastique. Enfin, les consommateurs seront sensibilisés et l’utilisation des sacs poubelles par les foyers sera encouragée. Pour les contrevenants, les sanctions seront lourdes : de 10 000 DH minimum pour les vendeurs et distributeurs à 1 MDH pour les fabricants. Le ministère ne veut pas perdre de temps : le projet de loi 77-15 sera soumis à examen par le Parlement dès cette semaine pour une entrée en vigueur le 1er juillet 2016. A noter que quatre types de sacs ne sont toutefois pas concernés par ces interdictions. Il s’agit des sacs à usage agricole et industriel, des sacs isothermes, des sacs de congélation et surgélation, et des sacs pour déchets ménagers. Ces exceptions seront néanmoins soumises à des obligations d’impression et de marquage qui seront définies par voie réglementaire. C’est une nouvelle voie qui s’ouvre à nouveau aux fabricants de sacs dégradables et biodégradables au Maroc.
PAR ANNE-SOPHIE MARTIN